18 janvier 2014

Lodile n'aime pas la pluie. Elle préfère lire.

Le gong résonne fort sur la terrasse de Loizo. Lodile serait-elle mécontente ? La nouvelle venue le salut.
"Bonjour Loizo, t'as vu comme il pleut" Son ton est bien atone. Loizo réagit.  
"Attends Lodile tu ne vas tout de même pas te plaindre, pense aux aloés, même les aloés ont envie d'un peu de pluie ! Que dirais-tu si tu habitais la Bretagne !"
"La Bretagne ? Pourquoi parles-tu de la Bretagne, Loizo ?"
"Parce que j'ai appris qu'il y pleuvait quasi quotidiennement depuis près d'un mois. Et tiens, à propos de Bretagne, lis-donc cette histoire !"
Lodile est étonnée. Loizo ne lui a encore jamais rien donné à lire. Auprès du bassin, il y a la feuille de bardanne. Sous la feuille de bardane il y a le thé à la menthe, brûlant très brûlant. Près du bassin il y a une balancelle. Lodile s'installe. Papier sous les yeux,  paille en bouche et verre en mains va pour la lecture. 

Il était une fois, c'était un week end 
la femme qui cherchait partout un ouvrage que lui avait offert son père, il y avait quarante ans déjà. 
Mais où donc était-il passé ? Elle avait dû le prêter à quelqu'un, mais à qui ? Elle n'en avait plus une seule idée.
Alors elle murmurait, "je vais consulter OMAZAN et le commander"  OMAZAN bonjour.... tout en consultant le serveur, tout en remarquant l'ouvrage, elle se dit que celui-ci ne remplacera pas le sien. Elle arrête ses consultations et se remet à glandouiller.

Elle glandouille ainsi chaque fois qu'elle reprend la rédaction d'un livre qu'elle a en tête depuis de nombreuses années.  
Elle est là devant son écran, devant son clavier et elle tente de trouver le mot juste quand le téléphone sonne.  

"Bonjour, ça va que fais-tu avec ce temps-là ?"
"Je glandouille, enfin, heu pardon j'écris !"
"Tu fais bien d'ailleurs que faire d'autre par ce temps-là, mais t'as vu la pluie qui tombe, c'est fou, mais quand donc va-t-elle s'arrêter ! T'as le moral toi, qu'est-ce que tu fais t'as dit ? !" La voix suspend son vol.
Elle répond
"oui j'ai le moral, d'ailleurs quand je glandouille c'est parce que j'ai le moral !"
"Moi je l'ai pas, mais alors pas du tout, alors tu sais ce que je fais..
"Heu non, je ne sais pas !"
"Et bien je range et comme j'ai rangé j'ai quelque chose à te donner, je te le fais parvenir !"

Avec quelques secondes de retard elle réfléchit " : "Oui c'est vrai y en a marre, cela fait bientôt deux mois qu'il pleut, mais que peut-on faire pour arrêter la pluie ?  Au moins il y aura de l'eau aux fontaines cet été, c'est un mal pour un bien !
"Ce sont des livres de mon père, garde ceux que tu veux, même ceux que tu ne veux pas, je veux m'en débarrasser, je te les donne !"
"Tu vas me descendre des bouquins de ton père. Heu, oui, pourquoi pas, envoie, je verrais ?"
Salut à touttttt ! Et la conversation prend fin.
Elle pense "Pourvu qu'il y ait des livres de conte" Ce sont les seuls bouquins qui l'intéressent. "Pourvu qu'ils soient vieux" car les neufs ne l'intéressent pas. "Pourvu qu'ils soient très vieux" Et elle se prend  à rêver, "pourvu qu'il y en ait un, seulement un !"  
Et sur cet espoir, virgule, point virgule, point d'exclamations, deux points, retraits, et guillemets, les phrases reprennent la route du clavier des doigts agiles. 

Bientôt driiiiing on sonne à la porte.
Elle est en robe de chambre. C'est bon de glandouiller en robe de chambre. Cependant moins bon d'ouvrir aux alentours de 15 h dans cette tenue. Après tout tant pis, elle est chez elle !  Elle ouvre. Elle a bien fait. Ce sont les livres. Deux sacs, forts lourds, en mains, posés par sa jeune voisine qui déjà s'éloigne en lui souhaitant "Belle journée glandouille !"  

Curieuse, les livres l'intéressent toujours, elle se penche sur le contenu des deux poches. Et là commence peut-être, le conte pour de vrai. Elle passe tous les titres en revue. Certains l'intéressent, d'autres pas mais quand elle saisit le dernier elle est émue. Elle le connaît. Elle est en connivence avec lui. Elle sait d'instinct que son titre sera bien celui auquel elle pense depuis quelques temps. l La couleur -il n'a pas de jaquette-, le format, tout lui parle.  Elle l'ouvre et n'a pas besoin de lire le titre. Le titre est celui de l'ouvrage qu'elle cherche. Le titre est bien les "Horoscopes Insolites"  A deux doigts de le commander sur OMAZAN.

http://youtu.be/WBUEUroiiBs uniquement par rapport à la conversation téléphonique

Alors elle attrape le téléphone et apprend l'événement à sa voisine. Elle dit que c'est marrant que leurs deux pères aient pu avoir aimé lire, chacun, les "Horoscopes insolites". Seul point commun entre les deux hommes : l'armée, à laquelle ils ont appartenu durant leur activité professionnelle.   Elles en pleurent de rire. Elles pensent à eux et les imaginent ensemble, s'ils s'étaient connus, mâtinés de Laurel et Hardy. Et la conversation va se terminant quand celle qui appelle soulève la couverture du livre. Elle écarquille les yeux de surprise.
"Mais ce livre n'a jamais appartenu à ton père ? Ce livre est le livre de mon père, celui qu'il m'a donné et que je cherchais partout !" Elle est morte de rire. Elles sont mortes de rire.  
Trente ans déjà. Pas d'erreur. La date est écrite dessus.  Avec leur nom et prénoms. 
Elle commente "C'est amusant tout de même. On dirait une histoire" 
Elle répond "Si tu veux, moi je pense que c'est surtout bien... de faire le ménage."
Bon ben, finalement, on n'en fera pas un fromage de cette histoire. 
Lodile relève la tête. Loizo la surveillait. "Alors ?"
"Alors c'est amusant Loizo, merci  et bonne journée glandouille à toi aussi. Je dois te quitter !"
Et ding ding dong le gong répand ses sonorités légères.
Au fait vous qui venez de vous arrêter, par hasard ou peut-être pas, n'oubliez pas... sous la feuille de bardane, il y a paille, thé, café ou boissons exotiques à votre portée. Buen provecho à bientôt. 

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