23 décembre 2014

Dre lin dre lin pas fort le carillon de l'Odile aujourd'hui 23 décembre 2014

L'Oiseau se fait discret.
Le pas de l'Odile est lourd.
Mais pas seulement son pas, son coeur est lourd aussi. Elle parle lentement, d'une voix, de sa voix qu'on n'entendra plus. Elle rappelle à sa mémoire Radioscopie, le Grand Echiquier.
Elle dit qu'il ne lui semble pas que ces émissions étaient des émissions promotionnelles, comme en ces temps actuels.
Elle dit qu'il lui semble qu'il n'y a plus trop sur les ondes des voix qui résonnent si bien aux oreilles, qu'on s'attend à les entendre, qu'on les espère, qu'on les écoute.
Elle dit que, elle se souvient de, elle titube, elle chancelle, elle répète Jacques, Jacques...
Il est parti, rejoindre pianistes, sopranos, chanteurs, humoristes, peintres, sculpteurs, écrivains... interviewés encore et encore ;
Il est parti, comme tu partiras, dit-elle, comme je partirai, comme tous nous...
Tristesse d'une nouvelle disparition.

01 mai 2014

Dili dilili dililili ding dong Petite agression urbaine

Lodile est entrée sur la terrasse. Elle a la respiration rapide, le souffle haletant. Moi Loizo je m'apprête à l'écouter.
Bonjour Loizo, si tu savais si tu savais
je ne donne pas de réponse. J'écoute. Elle me raconte. Je comprends qu'elle attendait le bus dans l'abri bus. Qu'il était 19 h. Qu' elle a remarqué, traversant le passage piéton, un sportif brun, longiligne et sec, 185 cm, marcel gris dénudant ses épaules et bras musclés marchant lentement. Qu'il était vêtu d'un pantalon plutôt sombre et portait quelque chose à la main droite. Elle continue...
"Il m'a regardé avec insistance" dit-elle, "j'ai trouvé son calme bizarre. Quand le bus est arrivé je me suis avancée. J'ai cru qu'il allait monter.  Il m'a laissé passer et sitôt après, toujours calme mais  grommelant,  il a projeté quelque chose à l'intérieur du véhicule en tutoyant la conductrice et en utilisant le mot "bus". 
La conductrice s'est rejetée en arrière. Si elle n'avait pas eu cette présence d'esprit, la bouteille l'aurait touchée au visage.  Le temps de se rendre compte qu'elle avait du liquide sucré plein les bras et les vêtements, elle s'éberluait. Je n'ai jamais remarqué cet homme dans le quartier. 
La conductrice a averti son service. Plus le temps passait plus sa peau rougissait, visage et décolleté. Elle était en état de choc.  M'a-t-elle demandé où lui ai-je proposé, je suis restée auprès d'elle. 

Quatre jeunes hommes de bonne taille sont passés, goguenard. A notre hauteur, l'un d'eux, railleur, nous a regardées en disant "Alors, qu'est-ce qu'elles ont les filles, les filles du sud ?" (pourquoi sud ?) J'ai pensé qu'ils avaient croisé l'agresseur et échangé avec lui quelques propos. 
Le responsable a pris mes coordonnées. J'ai pris le bus suivant. C'était un homme qui le conduisait. Pourquoi a-t-il dit à sa collègue 
"Qu'est-ce que tu as trouvé pour te faire remarquer ?"
J'ai trouvé cette réflexion choquante. 
Tu vois Loizo, je réfléchis, je n'ai pas aimé cette plaisanterie. C'était mal placé. J'étais là. J'aurais pu recevoir cette bouteille. Je me suis même demandé si un temps, ce n'était pas à moi qu'il l'avait destinée. Et je me demande
"Qu'aurait fait un conducteur ? 
Aurait-il apprécié ce geste au point de féliciter l'agresseur ? 
L'aurait-il poursuivi ? 
Aurait-il continué son travail sans intervention extérieure ?
Un collègue lui aurait-il fait cette réflexion ?
Je venait de travailler l'angle de vue de la célèbre histoire 
"Qu'est-ce que les femmes désirent le plus au monde ?" j'ai pensé qu'aujourd'hui, il n'était toujours pas facile aux femmes de se défendre ou mieux, de se faire défendre.
J'ajoute que, homme ou femme, il est inadmissible d'accepter qu'un être humain, quel que soit son sexe, se fasse agresser par un autre être humain, qu'il soit ou non au service de la collectivité mais encore plus quand il est au service de la collectivité.  T'en penses quoi Loizo ? Tu ne réponds pas ?"
Non, je ne réponds pas. Mais qui ne dit mot consent. 
Quant à vous qui lisez, puisque Loizo reste muet, ne restez pas silencieux. Donnez votre avis. Et si vous avez besoin de vous remettre, évitez le coca et prenez une tisane, un citron-menthe chaud, un sirop d'orgeat glacé ou tout simplement une vodka. C'est à votre portée, sous la feuille de bardane, auprès du bassin, sous le palmier de Loizo. Chevélé.

15 avril 2014

"Obus de la Paix". C'était le 19 mars 2003. On n'en sort pas.


Elle était perdue dans ses pensées.
Quand soudain lui parvinrent cris clameurs et détonations
D'un bond elle fut en Irak
la guerre éclatant 
les enfants se cachaient 
derrière les sacs de sable
Insolents,
ils bombardaient les chars qui leur fonçaient dessus.

Eclat de rire
soudain. 
Pour l'heure,
Rien de tout cela
Rien d'aussi sérieux.
Rien que l'éclatant soleil.
Et la seule pluie des confettis géants
bombardés haut dans l'air
par quatre cardinales 
batteries pacifistes
et des lions, 
des tigres, 
des vaches, 
des panthères, 
des girafes kangourous et éléphants 
à rire
et à se bousculer
pour ramasser les sympathiques 
obus de la paix.
Ce mercredi 
de mars 2003
veille de déclaration 
de guerre, on brûlait Carnaval
et les enfants de Rennes riaient. (Lania)
#paix



14 avril 2014

Dilin diling ding dong, voilà Lodile, souvenir souvenir

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Faisant suite aux "tintinnabulances" qui s'effacent derrière elle,  Lodile apparaît le pas léger et la lèvre rieuse. 
"Bonjour Loizo, figure toi que... regarde ce que j'ai trouvé". Et Lodile de cliquer sur la tablette, sous les yeux de Loizo qui ne s'y est pas encore mis -et qui ne désire pas s'y mettre. Mais "Certitudes vous vous en allez à reculons, laissons faire le temps au temps, jamais et toujours étant deux termes toujours trop longs"-
Oui, dit Loizo, belles jambes ! car sous les yeux de Loizo apparaît la publicité vieillotte et pour cause, d'une paire de bas des années 60, autant dire des antiquités. 
"Je vois à ton oeil Loizo que tu pense que bien du temps a passé sous les ponts. C'est pas faux. C'est même vrai. 54 ans. Un bail. Et quand j'y pense, alors que nous sommes à l'époque du durable, c'était le cas en ce temps-là. Ma mère m'achetait des bas, fins -il y en avait en mousse aussi- mais moi j'aimais les bas fins. Pourtant ce n'était pas facile de les porter. Il fallait s'arranger pour qu'ils ne filent pas. S'ils filaient, c'était les gros yeux assurés et la défausse "J'ai tout de même pas fait exprès !"
"C'est pas faut, mais pour les faire réparer tu vas devoir les amener toi-même !"
Et j'y allais. Je descendais la rue de la Providence -en me disant qu'elle aurait pu faire quelque chose- ; en passant devant le petit bonhomme qui me faisait rêver. De terre cuite, il avait l'air, sur sa terrasse d'un observateur discret, d'un colporteur futur, 


autant dire,  l'ancêtre du conteur. Puis je traversais le pont du chemin de fer, puis le pond du canal et au lieu de me rendre au collège Michelet je remontais la rue de la colombette, après le bâtiment des Cachoux Lajaunie, pour m'arrêter peu avant le carrefour qui coupe en deux la rue de la Colombette.  Devant la vitrine je m'arrêtais, éblouie par le travail de la "stoppeuse" : réparer des collants filés me paraissaient magique. Je crois bien qu'il m'aurait plu d'apprendre ce métier si délicat. Je me serais d'emblée fourvoyée sur le chemin d'un métier prêt à disparaître. Il n'empêche ce savoir faire m'intriguait. Alors, dili ling di lililng ding, le carillon avertissant l'employée de mon entrée, elle levait le nez et me disait "Bonjour jeune demoiselle, que puis-je pour vous" et j'extrayais les fameux bas Hélios de leur pochette soyeuse. Ma mère avait le goût de la lingerie délicate. "
Je te fais rire Loizo ? 
Lodile vient de relever la tête. Loizo la fixe, hébété. Elle lui sourit et lui dit "C'est pas faut, un peu comme un cheveu sur la soupe mon souvenir ! Comme tout souvenir finalement !"
"C'est ton sentiment Lodile, moi je me permettrais de te demander Jus d'orange ou mojito ? " Laisse Loizo, je vais me débrouiller. 
Au fait, Toikili, vois comme bougent les feuilles de bardane, et sers-toi, c'est au choix ! A bientôt. 

30 mars 2014

Dilingdingdon vl'à l'Odile ce 30 mars ensoleillé oh combien, de 2014

Bonjour Loizo. "Quel plaisir l'Odile de t'arrêter aujourd'hui, quelles sont les nouvelles ?"


Le hasard tourne autour de nous Loizo. J'ai rencontré les marcheuses. Elles m'ont parlé. Elles m'ont dit avec le sourire
C'est dimanche, on a voté, on vote, on votera. On a regardé des infos. Et on a sourit : en pensant à tous les chanceux qui n'ont pas d'emploi en France : n'ont-ils pas, au minimum, 300 € de plus qu'un indien au Quatar.
Remettons les choses en place : ne pas avoir de travail c'est le pied. 
En parlant de pied, vous êtes-vous jamais demandé s'il n'était pas dangereux  pour les enfants de faire de la patinette... à toujours s'appuyer sur la même plante des pieds, jusqu'à à peut-être se déhancher ? Nous nous posons la question à chaque fois. C'est étrange. Non ?

Le chien dont il n'est pas question dans le texte

Sans se déhancher on a regardé le petit chien blanc qui allait sans laisse. Libre comme l'air il a traversé le passage piéton en regardant à droite et à gauche. 
Rires à mourir
Sa maîtresse le suivait laisse en main. Le p'tit chien a esquissé un mouvement vers elles, les marcheuses et les marcheuses ont dit "Il est délicieux votre p'tit chien Madame"
Réponse à rire à mourir, "m'ont-elles dit" quand la propriétaire a répondu 
"Heu pour vous oui, mais pas pour moi, en ce moment on est mal mariés" 
Rires retenus. 
Courte explication "Monsieur ne veut pas que je lui mette sa laisse" 
Rires contenus.
L'une des marcheuses s'est accroupie au sol. Elle a juste émis un faible son. Le petit chien s'est aussitôt précipité vers elle, queue tout aussi frétillante que celle de Frétillon, le p'tit chien si blanc qu'il en paraît vert dans le conte délicieux et tant connu "Le roi des Paons"
L'une des marcheuses a répondu en riant
"Que voulez-vous Madame c'est comme avec les enfants : il serait bête de regretter qu'ils puissent être intelligents. Ainsi de votre aimable chien". 
"Comme vous avez raison, je sais si bien !" Hilarité de la maîtresse et des marcheuses. 
Le p'tit chien blanc est reparti. 
Dans la foulée, maîtresse et marcheuses aussi.
Rires sous cape. Sans hasard Loizo, j'ai passé un bon moment.
"Moi aussi Lodile"
Mais bien sûr Lodile, thé à la menthe comme d'habitude, sous la feuille de bardane, le petit verre aux fleurs d'ors et entrelacs de même
Toi aussi Toikily ? Mais avec quel plaisir. Rhum coca ou vodka si tu le désires. Sirop à la violette ? C'est une bonne idée à déguster à Terrassentchat. A bientôt. 

26 mars 2014

Dilin dililing joyeuse Lodile pense Loizo

Et c'est vrai, le gong a le carillon léger sous les doigts de Lodile et Lodile le sourire aux lèvres. Bonjour Loizo j'ai fait un super rêve.
Loizo rend le sourire à Lodile. Il n'en dit pas davantage. Ce n'est pas nécessaire, Lodile dira.
Elle dit, comme si elle l'avait appris par coeur

 

C'était dans un entre-deux bleu août profond, à l’extérieur de la maison aux toits de tuiles et aux murs ocres. Les cigales chantaient à l'abri sous l'écorce des platanes.  

Le stabat mater de Pergolèse se promenait dans le salon et s’évadait par-delà la véranda, poursuivait par le jardin, s'échappait  par-delà la rivière et par delà la rivière traversait le petit hameau au piton pentu.
Le parfum de la confiture, âcre et sucré combinés, embaumait l'air. 
Dans les vitres de la porte-fenêtre elle  devinait la danse des elfes jaune-bleuté. Léchouillants, caressants, ils enlaçaient voluptueusement l’énorme marmite noircie et autrefois cuivrée. 
A l’intérieur des entrailles de la marmite elle devinait la chair rouge-bleutée des prunes, noyées dans leur bain de sucre. Abandonnée, prête-à-fondre sous la chaleur, elle mijotait, barbotait, "éclatotait". Autour de la chair rouge-bleutée le sucre dilué la pénètrait, l’enveloppait, jusqu'à dissolution, jusqu'au boulé.  Ploque-floque, elle chantait sous et par-dessus les fruits.

Ça sent la confiture de prunes a  goûter

La main saisit l’écumoire et ratisse la surface liquide.
L’écumoire dépose sur l’assiette les gouttes de mousse rose douce

Ça sent la confiture de prunes a l’étaler sur une large tartine

Non loin de l’évier les bocaux de verre susurraient sur le torchon blanc à carreaux rouges leur dernière humidité
Certains rêvaient à des sucrées d’hiver.
A cet instant où la main tirait sur la languette orange,
A cet instant ou d’un seul pfuiiiiiiiiiiiiiiiifffffffffffeuh, d'une unique entrée d'air, Hiver offrirait dans le salon, à l’heure de la neige, une belle porte ouverte à Été !
A cet instant, Grand-mère dirait, comme hier, comme avant hier
« N’est-elle pas bonne ma confiture de prunes? »
Et tous riraient
Elle rirait aussi, et chanterait avec eux et tous chantonneraient avec elle

« ça sent la confiture de prunes
au petit boulé
je me suis brûlée
ça sent la confiture de prunes
au grand boulé
je veux y goûter
ça sent la confiture de prunes
à la marelle
je veux y jouer
ça sent la confiture de prunes
de la terre au ciel,
elle donne des ailes !
 
Qui l’a embrassée ?
Elle se relève, regarde de tout côté ! Elle est seule. 
Cmbien de temps a-t-elle dormi ?
Elle ne sait pas quelle heure il est 
mais elle est sûre que quelqu'un sur elle s'est penchée, 
elle n'a aucune idée du temps où elle est restée assoupie
mais elle est sûre que quelqu'un l'a embrassée
quelqu'un ! Plutôt quelqu’une !
Lui reviennent l'aimable visage rose, le tendre sourire,
La caresse vaporeuse des cheveux blonds et légers.
La réalité de sa tendre et vaporeuse mamie. 
 
Quel est ce parfum légèrement roussi ?
Trêve de plaisanterie, trop tard, 
La confiture de prunes a trop cuit.
Elle saute sur ses pieds et se jette dans la cuisine. 
Aucune confiture en cuisson.  
Ce rêve était bien joli.
à déguster sous tartine à la confiture de prunes.
pfuiiiiiiiiiiiiiiiifffffffffffeuh

Hum, demain elle s'occupera de la confiture de poire. 
Loizo ne dit toujours rien. Il pense : "la coquine, elle ne m'en a même pas offerte une. 
Lodile tu m'en fais une tartine à la confiture de prune ?
Une fois deux fois, Loizo parle dans le vide. Le gong se tait, Lodile s'en est allée ailleurs. 
Dommage même pour Toakily. Elle eût été bienvenue avec ton thé à la menthe ? Mais bien sûr qu'il y en a.... sous la feuille de bardane, à trois portée de main. A bientôt. 


22 mars 2014

Et si nous.... 22 mars 2014 Avez-vous dit Printemps ?

Et si nous allions courir ?
Promenade joggeuse this morning. Vent frais, ronds d'eau sur le canal, petite foulée, tours de corde à sauter jogging encore, les challenge qu'on peut, jusqu'au rond point, jusqu'à l'abri bus, jusqu'au coude que fait le canal, jusqu'au prochain banc, jusqu'au petit pont... 
Et si nous faisions la course avec les kayakistes ? Amusant. 
Et si tu photographiais les graphes, sont pas si mal ?
Et si nous passions par ce chemin ?
Et si nous rentrions par la passerelle ? Why not. Ok passons par là. C'est un endroit que la Mairie envisage de transformer en prairies urbaines. On peut y rencontrer de vieilles maisons années 50 désespérées d'être anéanties ; une fontaine lyonnaise en bon état que je m'amuse à utiliser. L'eau en sort. On doit pouvoir la boire ! Au dessus d'elle, une bouteille d'eau minérale vide -humour- est renversée.
Le soleil illumine des myosotis à foison.

 Il reste le long des chemins de ce lieu, les traces de jardinets d'humbles et chaleureux jardinier-nières ouvrier-ières des dimanches années 60-70. Les clôtures ont été ôtées. L'un de ces jardiniers, sur un établi riquiqui, s'acharne à faire disparaître le bungalow inutile. Nostalgie.
 Moi-même, trois pas plus loin, je me souviens, de celui qui répondit à propos de ses massifs et transmis le nom de ses fleurs avec un grand sourire à quelques enfants qui étaient en ma compagnie. Je me souviens encore de cet autre, représentant d'un groupe solidaire, qui en avait invité plus d'un à partager un "barbeqiou". Nous traversons ces lieux vides et pleins à la fois. Quant à la passerelle, nous ne la traverserons pas. Son accès est interdit. Elle a été emportée par les eaux violentes de notre étonnant hiver pluvieux. 
Et si nous rebroussions chemin ? 
Pas le choix. Rebroussons. Ici et là, traces et empreintes éparpillées croissent et reconstruisent la mémoire des lieux : plants de scilles, allées de jonquilles défleuries, cerisier d"'ornement en plein champ devenu, camélia géant au rouge sulfureux, entremêlé de rosiers, plants de violettes au parfum entêtant... 
Bientôt, bouquet jaune bleu rouge en main il est l'heure du retour. Les nuages s'amoncellent. La clarté s'évanouit. Pressons pressons. 
Il était temps. Derrière la porte la giboulée s'abat.

18 janvier 2014

Le Printemps en Bretagne - François René de Chateaubriant

Le Printemps en Bretagne est plus doux qu'aux environs de Paris et fleurit trois semaines plus tôt. Les cinq oiseaux qui l'annoncent, 
l'hirondelle, 
le loriot, 
le coucou, 
la caille et 
le rossignol arrivent avec de tièdes brises qui les hébergent dans les golfes de la péninsule armoricaine. La terre se couvre de 
marguerites, 
de pensées, 
de jonquilles, 
de narcisses, 
de hyacinthes, 
de renoncules, 
d'anémones, comme les espaces abandonnés qui environnent Saint Jean de Latran et Sainte Croix de Jérusalem à Rome. Des clairières se panachent d'élégantes et hautes fougères ; des champs de genêts et d'ajoncs resplendissent de fleurs, qu'on prendrait pour des papillons d'or, posés sur des arbustes verts et bleuâtres. Les haies au long desquelles abondent la fraise, la framboise et la violette, sont décorées d'églantiers, d'aubépine blanche et rose, de boules de neige, de chèvres feuilles, de convolvulus, de buis de lierre à haies écarlates, de ronces dont les rejets brunis et courbés portent des feuilles et des fruits magnifiques. 
Tout fourmille d'abeilles et d'oiseaux : les essaims et les nids arrêtent les enfants à chaque pas. Le myrte et le laurier croissent en pleine terre, la figue mûrit comme en Provence. Chaque pommier, avec ses roses carminées, ressemblent à un gros bouquet de fiancée de village. L'aspect du pays entrecoupé de fossés boisés, est celui d'une continuelle forêt et rappelle l'Angleterre. Des vallons étroits et profonds où coulent parmi des saulaies et des chenevrières, de petites rivières non navigables, présentent des perspectives riantes et solitaires. Les fûtaies à fond de bruyères et à cépées de houx, habitées par des sabotiers, des charbonniers et des verriers, tenant du gentilhomme, du commerçant et du sauvage ; les landes nues et les plateaux pelés, les champs rougeâtres de sarrasin qui séparent des vallons entre eux, en font mieux sentir la fraîcheur et l'agrément. Sur les côtes se succèdent des tours à fanaux, des clochers à la renaissance, des vigies, des ouvrages romains, des monuments druidiques, des châteaux ; la mer borde le tout. 

Entre la terre et la mer s'étendent des campagnes pélagiennes, frontière indécise des deux éléments : l'alouette des champs y vole avec l'alouette marine, le chanvre et la barque à un jet de pierre l'un de l'autre, sillonnent la terre et les eaux. Des sables de diverses couleurs, des bancs variés de coquillages, des ficus, des varechs, des goémons, des franges d'une écume argentée, dessinent la lisère blonde ouverte des blés ; j'ai vu dans l'île de Céos, un bas relief antique qui représente les Néréïdes, attachant des festons à la robe de Cérès. 

Dans les paysages intérieurs du continent, le plan terrestre et le plan céleste se regardent immobiles ; dans les vues maritimes, le coulant azuré des flots est renfermé sous l'azur fixe du firmament. De là un contraste frappant l'hiver : du haut des falaise, le tableau est de deux couleurs tranchées : la neige, qui blanchit la terre, noircit la mer. 
Pour jouir d'un rare spectacle il faut voir en Bretagne le soleil et surtout la lune, se levers sur les forêts et se coucher sur l'Océan. 

Etablie de Dieu gouvernante de l'abîme la lune a ses nuages, ses vapeurs, ses longs rayons, ses ombres portées, comme le soleil ; mais, comme lui, elle ne se retire pas solitaire, un cortège d'étoiles l'accompagne. 
A mesure qu'elle descend au bout du ciel elle accroît son silence qu'elle communique à la mer. Bientôt elle touche à l'horizon, l'intersecte, ne montre plus que la moitié de son front qui s'assoupit, s'incline et disparaît dans la molle intumescence d'un lit de vagues. Les astres voisins de leurs reines, avant de plonger à sa suite au sein de l'onde, s'arrêtent un moment, suspendus sur la cime des flots et des écueils,, phares éternels d'une terre inconnue. La lune n'est pas plutôt couchée, qu'un souffle venant du large brise l'image des constellations comme on éteint des flambeaux après une solennité. 

Lodile n'aime pas la pluie. Elle préfère lire.

Le gong résonne fort sur la terrasse de Loizo. Lodile serait-elle mécontente ? La nouvelle venue le salut.
"Bonjour Loizo, t'as vu comme il pleut" Son ton est bien atone. Loizo réagit.  
"Attends Lodile tu ne vas tout de même pas te plaindre, pense aux aloés, même les aloés ont envie d'un peu de pluie ! Que dirais-tu si tu habitais la Bretagne !"
"La Bretagne ? Pourquoi parles-tu de la Bretagne, Loizo ?"
"Parce que j'ai appris qu'il y pleuvait quasi quotidiennement depuis près d'un mois. Et tiens, à propos de Bretagne, lis-donc cette histoire !"
Lodile est étonnée. Loizo ne lui a encore jamais rien donné à lire. Auprès du bassin, il y a la feuille de bardanne. Sous la feuille de bardane il y a le thé à la menthe, brûlant très brûlant. Près du bassin il y a une balancelle. Lodile s'installe. Papier sous les yeux,  paille en bouche et verre en mains va pour la lecture. 

Il était une fois, c'était un week end 
la femme qui cherchait partout un ouvrage que lui avait offert son père, il y avait quarante ans déjà. 
Mais où donc était-il passé ? Elle avait dû le prêter à quelqu'un, mais à qui ? Elle n'en avait plus une seule idée.
Alors elle murmurait, "je vais consulter OMAZAN et le commander"  OMAZAN bonjour.... tout en consultant le serveur, tout en remarquant l'ouvrage, elle se dit que celui-ci ne remplacera pas le sien. Elle arrête ses consultations et se remet à glandouiller.

Elle glandouille ainsi chaque fois qu'elle reprend la rédaction d'un livre qu'elle a en tête depuis de nombreuses années.  
Elle est là devant son écran, devant son clavier et elle tente de trouver le mot juste quand le téléphone sonne.  

"Bonjour, ça va que fais-tu avec ce temps-là ?"
"Je glandouille, enfin, heu pardon j'écris !"
"Tu fais bien d'ailleurs que faire d'autre par ce temps-là, mais t'as vu la pluie qui tombe, c'est fou, mais quand donc va-t-elle s'arrêter ! T'as le moral toi, qu'est-ce que tu fais t'as dit ? !" La voix suspend son vol.
Elle répond
"oui j'ai le moral, d'ailleurs quand je glandouille c'est parce que j'ai le moral !"
"Moi je l'ai pas, mais alors pas du tout, alors tu sais ce que je fais..
"Heu non, je ne sais pas !"
"Et bien je range et comme j'ai rangé j'ai quelque chose à te donner, je te le fais parvenir !"

Avec quelques secondes de retard elle réfléchit " : "Oui c'est vrai y en a marre, cela fait bientôt deux mois qu'il pleut, mais que peut-on faire pour arrêter la pluie ?  Au moins il y aura de l'eau aux fontaines cet été, c'est un mal pour un bien !
"Ce sont des livres de mon père, garde ceux que tu veux, même ceux que tu ne veux pas, je veux m'en débarrasser, je te les donne !"
"Tu vas me descendre des bouquins de ton père. Heu, oui, pourquoi pas, envoie, je verrais ?"
Salut à touttttt ! Et la conversation prend fin.
Elle pense "Pourvu qu'il y ait des livres de conte" Ce sont les seuls bouquins qui l'intéressent. "Pourvu qu'ils soient vieux" car les neufs ne l'intéressent pas. "Pourvu qu'ils soient très vieux" Et elle se prend  à rêver, "pourvu qu'il y en ait un, seulement un !"  
Et sur cet espoir, virgule, point virgule, point d'exclamations, deux points, retraits, et guillemets, les phrases reprennent la route du clavier des doigts agiles. 

Bientôt driiiiing on sonne à la porte.
Elle est en robe de chambre. C'est bon de glandouiller en robe de chambre. Cependant moins bon d'ouvrir aux alentours de 15 h dans cette tenue. Après tout tant pis, elle est chez elle !  Elle ouvre. Elle a bien fait. Ce sont les livres. Deux sacs, forts lourds, en mains, posés par sa jeune voisine qui déjà s'éloigne en lui souhaitant "Belle journée glandouille !"  

Curieuse, les livres l'intéressent toujours, elle se penche sur le contenu des deux poches. Et là commence peut-être, le conte pour de vrai. Elle passe tous les titres en revue. Certains l'intéressent, d'autres pas mais quand elle saisit le dernier elle est émue. Elle le connaît. Elle est en connivence avec lui. Elle sait d'instinct que son titre sera bien celui auquel elle pense depuis quelques temps. l La couleur -il n'a pas de jaquette-, le format, tout lui parle.  Elle l'ouvre et n'a pas besoin de lire le titre. Le titre est celui de l'ouvrage qu'elle cherche. Le titre est bien les "Horoscopes Insolites"  A deux doigts de le commander sur OMAZAN.

http://youtu.be/WBUEUroiiBs uniquement par rapport à la conversation téléphonique

Alors elle attrape le téléphone et apprend l'événement à sa voisine. Elle dit que c'est marrant que leurs deux pères aient pu avoir aimé lire, chacun, les "Horoscopes insolites". Seul point commun entre les deux hommes : l'armée, à laquelle ils ont appartenu durant leur activité professionnelle.   Elles en pleurent de rire. Elles pensent à eux et les imaginent ensemble, s'ils s'étaient connus, mâtinés de Laurel et Hardy. Et la conversation va se terminant quand celle qui appelle soulève la couverture du livre. Elle écarquille les yeux de surprise.
"Mais ce livre n'a jamais appartenu à ton père ? Ce livre est le livre de mon père, celui qu'il m'a donné et que je cherchais partout !" Elle est morte de rire. Elles sont mortes de rire.  
Trente ans déjà. Pas d'erreur. La date est écrite dessus.  Avec leur nom et prénoms. 
Elle commente "C'est amusant tout de même. On dirait une histoire" 
Elle répond "Si tu veux, moi je pense que c'est surtout bien... de faire le ménage."
Bon ben, finalement, on n'en fera pas un fromage de cette histoire. 
Lodile relève la tête. Loizo la surveillait. "Alors ?"
"Alors c'est amusant Loizo, merci  et bonne journée glandouille à toi aussi. Je dois te quitter !"
Et ding ding dong le gong répand ses sonorités légères.
Au fait vous qui venez de vous arrêter, par hasard ou peut-être pas, n'oubliez pas... sous la feuille de bardane, il y a paille, thé, café ou boissons exotiques à votre portée. Buen provecho à bientôt. 

15 janvier 2014

Après l'allocution présidentielle tiens revoilà Lodile drelidrelinlinlin

Les jours se suivent et ne se ressemblent guère. Une chance. 

Le carillon de l'entrée résonne presque en brouhaha. De quoi vas-tu causer Chère Lodile. C'est Loizo qui pose la question. Lui qui, aurore née, s'est plongé dans les amours des Mille et une Nuits. Justement, c'est aussi le sujet de Lodile. Mais qu'est-ce que ça peut te faire Lodile les amoures présidentielles. Oh la la là fais gaffe tu vas être traitée de raciste, comment qu'est-ce qu'ils ont les petits hommes laids, maigres ou ronds à subjuguer ainsi les belles femmes. Mais c'est qu'ils sont présidents. Pas tous pas tous, clame-t-elle, ainsi donc moi je connais, moi j'ai... et elle liste. Pour ma part, je ne suis pas forcément apte à donner de réponse. Laissons la force à la seule question.

Eclats de Rose Bleue de Chine
Cependant, sans être mathématicien, on peut se pencher sur la formule suivante : Ce que fait A à B, C peut le lui faire à son tour. Et sur ce sujet féminin ou masculin personne ne l'emporte sur l'autre. Sauf à lire Les Mille et une Nuits dans les bonnes versions. Isn't it.  Et ce depuis des siècles. Faut la calmer ma petite Lodile. Lodile, voyons, te dirait-il de goûter un jus de bergamote, ou une boisson  miel gingembre, ou des fruits confits aux doux parfums ?. Figurez-vous qu'elle veut bien. Mais bien sûr, comme toujours, cruche au frais sous la grande feuille de bardane. Et si vous qui lisez préfériez un thé à la menthe ou une petite vodka glacée, vous savez quoi faire. Bien sûr. Feuille de Bardane. 
Pendant ce temps chante la fontaine et s'enivrent les roses. A bientôt. 

09 janvier 2014

Sur la terrasse le rideau s'envole revoilà Lodile.

Loizo sait qu'elle parlera. Loizo sait que mieux vaut se taire. Il se tait. Elle embraye, le souffle hoquetant, comme suffoquée.
"Si tu savais si tu savais Loizo".
Je ne sais pas, dit-il, mais je sens que je vais savoir.
"Et comment" dit-elle. "Ecoute, regarde, tu vois comme je suis habillée". 
Il hoche le cou. Il la détaille. Pas mal, tu es pas mal habillée Lodile.
"Ouais ouais tu dis ça pour me faire plaisir. Faut dire que j'aurais pas dû mettre ces vernis noirs et leurs noeuds rouges ; j'aurais pas dû enfiler ces collants noirs unis et pourtant rayés ; j'aurais pas dû enfiler cette jupe noire unie ; et en élevant la voix elle dit "j'aurais pas dû mettre cette fichue veste trois quart et son fameux col de fourrure !" et elle trépigne et en rajoute 
"non j'aurais pas dû" Et soudain  elle se demande 
"Et pourquoi pas, après tout c'est ma fille qui me l'a offerte. Elle a un goût très sûr !" La voilà calmée. Silence sur la terrasse.
Loizo sait que mieux vaut se taire. Il se tait. Elle embraye.
"Te rends-tu compte Loizo te rends-tu compte ?"

  • Que tu es bien habillée ? Certes je m'en rends compte dit Loizo, on peut difficilement faire plus sobre !

"Tu te moques Loizo, te rends-tu compte qu'ils m'ont prise pour une..."

  • Pour une quoi ? Quoi ? Je n'ose même pas imaginer ! Tu inventes.

"Pas du tout Loizo, je te raconte."
Et elle dit. Qu'elle est sortie de l'hôtel des Impôts, la tête un peu dans les nuages, qu'elle a tourné sur la droite, qu'elle a soupçonné, sans vraiment voir, un ouvrier sur un toit et une grosse corde bouger, de même que sur le trottoir qu'elle longeait cet autre qui manipulait des seaux. de terre. Elle dit qu'elle a entendu sans l'entendre une voix qui disait 
"demande lui quel tarif elle demande ?" et que juste à cet instant-là, elle a aperçu une étalagiste accroupie dans une vitrine. Elle avait pensé que c'était trop fort de la prendre pour une tepue.
Elle dit aussi qu'elle a entendu la voix de l'homme qui manipulait les seaux répondre 
"A qui tu veux que je demande ?"
Et elle dit que celui qui se tenait sur le toit avait répondu en riant
"A celle qui vient de te passer devant"
Elle précise que, ahurie, elle avait compris que celle-là même qui venait de passer devant l'ouvrier, c'était elle-même, Lodile. 
"Te rends-tu compte Loizo ! C'est moi qu'il prenait pour une tepue...."
"Comment ça Loizo, que me dis-tu, c'est une façon de dire que je suis belle ! Et toi ça te fait rire ! Tu exagères Loizo. Je préfère quitter ces lieux. 2014, la nouvelle année, tu parles té, pas pour les mecs ! On se croirait encore en 1964. On n'est pas au Brésil ici, encore que,  heureusement que Malyv m'a expliqué. Adieu Loizo.
Remontée Lodile. 
Flegmatique, Loizo sur son palmier pense qu'elle reviendra sous peu... Il s'installe dans son hamac.