Se lever, se préparer, déjeuner. Prendre l'heure. La TV s'anime. Le journaliste annonce "L'abbé Pierre est mort cette nuit à 5 h 25. Vous ne trouverez pas cette nouvelle sur "vos" journaux" Veut-il dire : journal TV bravo ! Je voudrais me tromper. Je me demande s'il n'est pas indécent de se précipiter ainsi sur la mort d'un homme, fut-ce pour l'honorer. Peut-être aurait-il dû mourir en public ? Dernier souffle béni. Le temps sera là pour le faire, pour lui rendre l'hommage qu'il mérite. Personnellement, 1945, absente ! 1951 toujours absente et encore trop jeune, 1956 je vis au-delà des frontières française, de l'autre côté de l'Alsace. Comment se fait-il qu'il me semble avoir vécu moi-même cet hiver mémorable et cet appel étonnant à la radio -je suis très radio- Me viennent aux yeux des "seautées" de grosses billes noires, lourdes et luisantes. D'où ? Aujourd'hui on croirait une répétition : une partie de la France claque des dents, comme elle claquera des dents demain, semble-t-il ou plutôt mercredi. D'où me souviens-je ? Son nom sur toutes les ondes radio, sa cape noire sur le blanc de la neige... ? Je ne sais, mais je sais qu'en des moments difficiles, ceux d'une dure lutte avec mes dragons, je découvrais sa vie et son esprit rebelle et fraternel. De quoi chercher à me redresser. Je pense à lui aujourd'hui.
Ce soir cependant, je me dis que la mémoire est fragile. Je me suis trompée : 1954 j'étais absente. J'étais ailleurs, je découvrais la Forêt Noire par dessus les sapins, couverte de neige, de tonnes de neige. L'Abbé Pierre, pas suffisamment encore pour m'en souvenir.
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