25 décembre 2006

Réveillon de Noël

Elle repose le "mainslibres". Elle vient de refuser. Elle sera seule. Mais n'aura rien à reprocher à quiconque. Propre désir. Un tout petit temps hébété par cette vérité elle s'interroge. Que mettra-t-elle sous son palais ? La décision sur l'étagère est vite saisie. Il n'y avaient qu'elles. Des pâtes. Facile, pas long à cuire, doux à manger. Et au cumin parfumé, crème blanche mielée elles feront, légèrement poivrées, un vrai délice. Scratch elle allume le feu. Pshittttt elle monte l'eau. Se recule. Un second petit temps hébété par l'effective réalité elle s'interroge. D'accord, des pâtes mais pas n'importe comment tout de même. Non pas n'importe comment. Tout de même. Alors elle saisit sur l'étagère la nappe blanche, les deux bougeoirs, les billes de cristal blanc. Schlac, déplie et défroisse d'un geste la nappe blanche et la place. Pose le bougeoir aux deux-tiers. Répand les fines billes de cristal rayonnant sur la table, installe l'assiette de couleur argent, les couverts de même et le verre ancien tourné à la main. Pas mal. Enfin, meilleur si le lustre est éteint. Elle l'éteint. A la place elle allume la boule rouge dans le lointain de l'entrée et plus près la pyramide orangée. Pas mal han han. Quoique. Il manque quelque chose. La bouteille de bordeaux. Un excellent, auquel elle a succombé aux promos de l'automne. Elle la dépose avec grand soin. Recule. Il manque quelque chose. Le temps d'un demi tour elle choisit les bâtons d'opium. Pas vraiment un choix. Elle n'a que ceux-là sous la main, ridés de quelques moments sympathiques et heureux. Le parfum commence à se répandre. L'eau appelle à dévoration. Elle lui jette les pâtes. Oui, des spaghettis. L'eau, qui les rêvait, éblouie, à leurs corps est tout ouïe.
Tric tric tric pour six instants de minuterie. Elle s'éloigne. Quand retentit la sonnerie elle réapparaît, jupe longue dans un bustier raffiné et petits souliers. Ses lourds cheveux noirs en chignon alangui. A celle qu'elle aperçoit rapidement dans le miroir elle sourit. Eteint le feu. Attrape la passoire. A peine quelques instants plus tard elle s'assied. Bon appêtit ma vieille ! Et elle se délecte. Hum, rares ! Prend son temps. Gorgée par çi , fourchettées par là, un pur délice.
Le dessert, elle l'avait prévu. Au cas où il aurait fait signe. Pas fait signe. Tant mieux, délicieux.
Musique maestro. Elle tend un bras. Da Silva ? Pourquoi pas ? Hum il fait bon, meilleur qu'elle n'aurait pensé.
Là voilà éveillée. La gorge nouée. Un cauchemar : un homme, une femme dans une cuisine. Rien que du formica. A peu près son âge mais des vêtements d'un autre. Un petit sapin de Noël sur la table sans nappe. Un alternatif mouvement de bras pour monter les cuillères aux lèvres et une même aspiration chuintante pour avaler un bouillon de poule à Magy. Elle regarde autour d'elle : si seules les lampes rouges et orangées donnent de la couleur à l'obscurité, les billes de cristal, petites belles féeriques, merveilleuses, la multiplient. Chacun son bonheur, surtout le sien : elle rie.

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