24 février 2007

Un portrait (au) féminin

Hier, son enfant avait rendez-vous avec "sa" nutritionniste. Elle allait, elle venait, elle bougeait sans cesser, déambulait comme jamais. C'est fou comme 63 m2 peuvent offrir de possibilités déambulatoires. Quand allait-elle arrêter. "Méfies-toi tu vas louper ton errdesvés !" Elle a relevé la tête, donné à son regard un petit air penché et d'une petite voix "Tu vas bien m'y emmener, hein Ma tatounette ? Quand on est prise ainsi par les plus doux sentiments on comprend qu'on puisse craquer. Elle a craqué. Il était vrai que lui sautait soudain aux yeux le désarroi dans lequel son enfant se trouvait. Elle a répondu oui, tout en ajoutant, sans préméditation aucune, une exigence exigente. Dans le fond elle était persuadé que celle-ci serait perdue d'avance. On n'est jamais sûr de rien. Comme elle la regardait avancer devant elle, elle se disait "Etonnant, incroyable, quelle transformation phénoménale" Et elle allait replonger dans le voyage chaotique de leurs dix dernières années quand elle s'imposa la pensée suivante "il s'agit d'elle aujourd'hui, rien que d'elle !" "Elle" était énervée comme un pou. Cela faisait deux fois qu'elle assurait ses rendez-vous seule, mais elle semblait déconcertée. Donc elle répondit au souhait de son enfant tout en exigeant qu'elle s'habille "correctement" (d'une petite robe noire mignonne, avec des collants et des petites chaussures par exemple) Elle a fait cette suggestion en croyant qu'on l'enverrait paître : pas du tout, sans mot dire, Nany a joué le jeu. A la voir, sa nutritionniste n'a pas feint son étonnement. "Spectaculaire ! Beau travail ! Félicitations !" Nany s'est effondrée en larmes, bonjour les gros sanglots. La nutritionniste s'est tournée vers la mère pour lui dire : "Il vous faut la photographier, de pied en cap, sous toutes les coutures, petite culotte, soutien gorge ou maillot de bain mais vous devez le faire : votre Nany ne veut pas admettre qu'elle change de peau. Si elle ne veut pas de photo je lui ferai donner des massages !" Elle qui pensait que la nutritionniste n'était pas vigilante au côté psychologique de l'amaigrissement prit conscience qu'elle y était justement attentive. Elle se sentit rassurée. Sa Nany la conforta car dès son retour elle installa sur les deux panneaux de son armoire de superbes photos très classes, toutes noires et blanches soulignées de rouges : il lui sauta aux yeux soudain que ce n'était plus des visages qu'elle exhibait, mais des corps et qu'ils étaient tous plus longs que longs, filiformes. Qui peut dire que l'insconscient n'existe pas. Il faudrait être intellectuellement aveugles. Portrait d'une nutritionniste. Le cabinet est nouveau. Elle l'investit. Elle en prend possession. Elle est belle longiligne, calme et tranquille, classique et originale à la fois. Impossible de ne pas remarquer dans son cabient, un grand pot de grès et son merveilleux rosier blanc, un tableau grand format aux larges aplats de couleurs tropicales, des vers, des roses, au travers desquels on soupçonne une femme heureuse qui s'étonne et s'élance dans l'espace ; un autre format de peinture, carré celui-ci et tout recouvert de noirs aux reflets encore plus noirs et irréguliers : étonnamment on y devinerait un coeur ; un tout nouveau rideau, tout de papier froissé et aléatoirement épinglé à la fenêtre : assurance et fragilité mêlées. Féminité ? et finalement, cinquième détail évoqué d'abord en 4 : son cabinet n'est jamais totalement rangé. Quand elles quittent le cabinet l'une des deux se risquent à un timide : "Vous peignez ?" La réponse fuse légère : "Je m'amuse !" Elle porte sur son visage tout à la fois un certain sourire, de la retenue, de la proximité et une certitude : "Plus jamais je ne me mettrais en colère" Est-ce un portrait de Femme ? L'idée monte : croquer aux mots, une série de portraits, des femmes qu'elle a rencontré ou côtoyées à peine croisées mais jamais oubliées. Elle pense : Belle journée à toi Marie Annick.

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