28 avril 2007

La dictée de mon amie Evelyne

Donc mon amie Evelyne arrive tout droit direct de sa bonne vieille Alsace. La prof de français, pure pyrénéenne de pouche, pardon de souche, roule étonnamment les galets de la Garonne dans sa bouche. Nous allons faire une dictée dit-elle ! Mon amie Evelyne me regarde et me dit qu’elle ne craint rien, qu'elle était la meilleure en français dans sa classe. Je ne commente pas. Je sais que je suis quant à moi plutôt étourdie. Mes résultats en dictée sont, c’est cela, fluctuants. Un jour en haut, un jour en bas. Pas de demi-mesure. Allons dit Madame la Professeur prêtes mesdemoiselles ? Mesdemoiselles sont prêtes. Madame Castelnau dicte comme d’habitude. Elle appuie en fin de phrase. Change de ton quand on approche d’une difficulté, annonce « Mesdemoiselles, attention, je répèèèèète ! » et nous sommes à peu près sûres que quelque part, au détour d'une locution s'approchera un subjonctif, ma foi pourquoi pas ! Elle est gentille Madame Castelnau. Elle n’est tellement pas méchante qu’elle nous le dit elle-même qu’elle est gentille. Quand elle ralentit son pas, tout le monde sait qu’elle va s’arrêter auprès de l’une, jeter un coup d’œil par dessus son bras et répèter une fois encore en appuyant lourdement sur les syllabes, pourquoi pas les liaisons. Ah, les liaisons ! Je suis bien contente qu’elle ne s’arrête pas à mes côtés car je souffre déjà d’une maladie que je mettrai longtemps à identifier : je n’aime pas raturer. Donc même si je sais que j’ai fait une faute, je ne la corrigerai pas. Se tromper d’accord, le savoir, mieux, mais raturer ah ça jamais. La propreté est chez moi une défense qui a sa logique.... la logique maternelle. Et je n’ai pas suffisamment de recul pour faire des interprétations. J’écris, nous écrivons. Ce jour-là je pense à ma nouvelle amie Evelyne. Je la sens un peu tendue, de plus en plus tendue. Mais à quatre tables d’elle, je ne peux rien faire. Lorsque nous aurons les résultats nous serons doublement stupéfaites : de son côté quarante trois fautes : ce chiffre écrit en lettres fait encore plus gros ! Pauvre Evelyne, elle a mis des rrrr partout et des u à la fin de tous les mots se terminant par e. Je me souviens encore de sa tête. De mon côté, je n’ai même pas fait de faute pour écrire ce mot inconnu qui me fait rêver : thébaïde ! Je me souviens simplement que le sujet de la dictée était Michel Strogoff (atavisme ?) Je la réconforte comme je peux. Je lui explique qu’il faut qu’elle s’habitue à l’accent de la professeur. Que passée la période de cet apprentissage auditif, elle retrouvera sans problème les règles d’orthographe et de grand-mère. En Alsace ou en Aquitaine, les règles, ça ne change pas ! Impossible de dire "Et pourquoi pas ?" d'ailleurs. C'est alors qu'elle répète fronçant les sourcils et tendant l'oreille : "Les règles de quoi, tu as dis ?" me dit-elle. "De granmère" je répète ! "De granmère.... tu veux dire "grammaire" corrige-t-elle. "Tu vois" lui dis-je, "il ne t'a pas fallu longtemps lui dis-je, tu es déjà en progrès !" C’est vrai, j’ai un peu d’accent moi aussi, mais je ne l’entends plus. Alors, j’écris bien. Sourire.

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